Le quatrième trimestre de grossesse ? Kesako ? Une grossesse est divisée en trois trimestres de trois mois chacun. Jusqu’ici tout va bien. Mais on oublie souvent qu’à l’accouchement on assiste en fait à deux naissances : celle d’un bébé et celle d’une mère. C’est là que débute le « quatrième trimestre ». Il correspond aux quelques mois qui suivent immédiatement l’accouchement. Comme un quatrième trimestre de gestation. C’est la période qui voit la naissance d’une mère.

Devenir adulte
Tous les accouchements sont différents mais il y a quand même quelques traits communs à cette expérience. Il faut apprendre à être mère (surtout quand c’est le premier enfant). Et alors, on a beau avoir lu tout un tas de trucs (ou pas), c’est bien le seul taff au monde qui vient sans manuel explicatif. En général on vient de vivre une expérience unique et parfois traumatisante (l’accouchement), qu’on n’a même pas eu le temps d’assimiler, qu’on nous colle aux basques un bébé totalement dépendant. Qui vous empêche de dormir.
« Quand un enfant vient au monde, une mère aussi vient au monde. Chaque naissance est une double naissance. »
Eric-Emmanuel Schmitt
Au Moyen-Âge, une des techniques de torture était d’empêcher les suppliciés de dormir. Alors quand on ressort d’un accouchement qui a duré des heures, voire des jours (!!), on n’a qu’une envie et qu’un besoin : dormir. Or, ce n’est pas possible. Pour ma part j’ai fait le choix d’allaiter, choix que je ne regrette pas mais qui a fait de moi l’unique personne à être en mesure de subvenir aux besoins alimentaires de mon fils. Et c’est là qu’on se rend compte vraiment de ce que veut dire « être mère ». C’est faire passer les besoins de son enfant avant les siens. Tout le temps. C’est une responsabilité. C’est devenir enfin adulte.
Faire le deuil du moi « d’avant »
Apprendre à être mère, c’est comprendre que cette responsabilité ne partira jamais et qu’on devra vivre avec. C’est perdre une partie de notre légèreté et de notre insouciance. C’est prévoir, faire des plannings et ne jamais rien oublier. C’est une charge mentale. Et quand on se rend compte de ça, à la naissance de l’enfant, ça peut être plutôt violent. Bien sûr je vous parle de ma propre expérience. Pour certaines ça s’est mieux passé que pour d’autres. Ça ne veut pas dire qu’on aime moins notre enfant, ça veut seulement dire qu’il faut un peu plus de temps pour s’ajuster.
« Devenir mère c’est faire un deuil. »
Devenir mère c’est donc faire un deuil. Le deuil du moi « d’avant ». Et si je l’ai plutôt bien compris et accepté, à ma grande surprise, c’est du côté de mon entourage et de mes amies, pas encore mères, que la pilule a été difficile à avaler. Mon deuil je l’ai fait, mais elles non. Elles s’attendaient à retrouver la Calixte « d’avant », sans attaches, avec ce grain de folie, cette capacité à être spontanée. Sauf qu’elles ont retrouvée une Calixte + son bébé.
À l’époque je n’ai pas fait le lien avec ce quatrième trimestre, ni même avec le fait d’avoir un enfant (!!!). J’ai essayé de correspondre à l’idée qu’elles se faisaient de la moi « d’avant ». J’en ai fait des tonnes pour ne pas les décevoir. Je me suis remise en question pendant des heures en me disant que j’étais une mauvaise amie. C’est seulement avec des mois de recul que j’ai enfin trouver l’apaisement. J’étais en plein quatrième trimestre, je vivais une matrescence intense.
Se laisser du TEMPS

C’est bien connu, on ne peut pas être au four et au moulin. On ne peut pas être l’amie d’avant, qui sortait, prenait l’apéro à toute heure et partait en weekend sur un coup de tête et la nouvelle mère, avec un bébé qui requiert toute notre attention. On peut seulement trouver un équilibre, prévoir des moments avec ses amies et apprendre à confier son bébé. Mais ça arrive avec le temps. Au début, quand le bébé vient d’arriver, la seule chose dont on a envie, c’est être avec lui, faire sa connaissance et apprendre à s’en occuper. Pas à aller boire des verres au nouveau bar hype. Il faut que ton entourage t’accorde ce temps, nécessaire au rééquilibrage de ta nouvelle vie de mère, de femme et d’amie.
Cela m’a pris des mois (mon fils aura un an le mois prochain!) mais je pense enfin avoir trouvé cet équilibre. J’ai appris à déléguer. Par exemple cela arrive que Lucas s’occupe du bébé alors que je lis dans la pièce à côté. Parce que j’ai besoin de ces moments pour moi. Je sors régulièrement avec mes copines faire des aperitivi (cf mon article sur les habitudes alimentaires des italiens) et je laisse Lucas s’occuper de Lazare. Cela semble bête mais ça me paraissait inenvisageable au début. Je culpabilisais de laisser mon bébé à quelqu’un d’autre (même à son père !) et ça m’arrive encore aujourd’hui. Mais je travaille dessus car j’ai compris que c’était seulement comme ça que j’atteindrais mon équilibre.
Des moments avec et sans enfant
Je sépare ces moments d’amitié avec mes amis qui ne connaissent pas encore la parentalité. Car on ne va pas se mentir, entre nous il y a un gap. Faire des weekends où on mixe enfants et potes sans enfants ça peut vite devenir invivable pour tout le monde. En plus c’est une grande bouffé d’air frais de se retrouver pour un weekend en n’ayant d’autre but que d’aller au restaurant, se balader, rigoler, prendre l’apéro, sans avoir l’oeil sur la montre, sans devoir penser à 1000 trucs relatifs au bébé. Avec Lucas on a prit l’habitude de laisser Lazare à nos parents pour pouvoir retrouver cette légèreté dénuée de responsabilité avec nos amis le temps de quelques jours. Quand on revient pourtant, on a qu’une seule hâte : serrer notre fils dans nos bras.
« Partir en vacances pour des jeunes parents, c’est juste s’occuper de son bébé dans un cadre différent. »
D’un autre côté on va s’organiser des vacances et des week-ends avec des amis qui ont aussi des enfants. Parce que c’est plus simple, parce qu’on est sur la même longueur d’onde. Et parce qu’un de mes petits bonheurs est d’observer mon fils interagir avec d’autres enfants #creepymum. On a les mêmes horaires et les mêmes contraintes et personne ne se sent frustré parce qu’on vit tous la même chose. Bizarrement on a beaucoup plus envie de partir avec nos parents aussi. Peut-être parce qu’on vit à l’étranger et qu’on ne les voit pas souvent. Mais aussi parce que partir en vacances pour des jeunes parents, c’est juste s’occuper de son bébé dans un cadre différent. Alors quand les grand-parents sont là, on peut enfin souffler en leur refilant la patate chaude. So chill !
Être indulgent envers son corps
Être mère c’est donner une partie de sa tête mais aussi de son corps à son bébé. Car une fois que le bébé est à l’extérieur, il nous reste ce ventre vide, triste, qu’il faut accepter et ce corps qu’il faut reconstruire. J’aurais tellement aimé qu’on me dise « Ne t’inquiètes pas, tu retrouveras la forme comme avant ». Quand, sans parler de dépression post partum, j’étais au plus bas pendant le quatrième trimestre. J’avais toujours eu un corps « solide » et résistant : pas de malaises et jamais malade, je tenais bien la faim et il m’arrivait d’enchaîner les nuits blanches pour faire la fête. Mais RIEN n’aurait pu me préparer à l’état de faiblesse dans lequel je me suis retrouvée après l’accouchement.
« Sur Instagram, on voit les filles qui sont là, le lendemain de leur accouchement en train de faire les courses ou du yoga. »
Enchaîner les nuits blanches pour faire la fête c’est cool mais enchaîner les nuits blanches pendant sept mois c’est de la torture. Je me suis mise à faire des malaises au milieu de la journée, ou de la nuit quand je me levais pour aller aux toilettes. J’étais dans un état de faiblesse permanent. Si je ne mangeais pas pendant trop longtemps : vertiges. Dès que je faisais un effort trop intense comme marcher plus de 500 mètres : vertiges. J’ai lu ensuite que dans les pays du Moyen-Orient les femmes qui viennent d’accoucher doivent rester allongées, ou au moins ne pas sortir de chez elle pendant 40 jours. Je trouvais ça abusé. Sur Instagram on voit les filles qui sont là, le lendemain de leur accouchement à faire les courses ou du yoga. C’est cette image-là que je voulais renvoyer.

Une semaine après mon accouchement des amis étaient à Milan, on est allés manger avec eux. Je me rappelle avoir été tellement mal que je n’arrivais presque pas à marcher pour les rejoindre. Sur le retour, je me suis quasiment évanouie en pleine rue. Je n’étais pas prête à sortir, mon corps n’était pas d’accord mais je me forçais. Je voulais être cette fille cool qui accouche et reprend sa vie normale comme si de rien n’était.
J’aurais du écouter ma grand-mère (cf mon article) qui a eu six enfants et qui savait de quoi elle parlait. Elle m’a toujours dit « dormir c’est la clé pour tenir sur la distance ». Particulièrement les 40 jours qui suivent immédiatement la naissance. Ces jours-là doivent être consacrés à faciliter la naissance de la mère en tant que telle. Le livre « The First Forty Days » est une bible de référence pour vivre le quatrième trimestre au mieux avec plein de conseils et des recettes pour se retaper.
S’informer et en parler
J’ai vraiment compris tout ça bien plus tard, en tombant sur le podcast de Clémentine Sarlat qui parle du quatrième trimestre ou de « Matrescence ». C’est la contraction des mots « maternité » et « adolescence » qui décrivent ce chamboulement hormonal et psychologique après la naissance d’un enfant. Ce podcast m’a ouvert les yeux sur bien des choses. En parler avec des amies qui avaient vécu un accouchement m’a permis de me rendre compte qu’on est toutes passées par là. Certaines l’ont vécu de façon plus ou moins intense mais ce tourbillon est un processus partagée par toutes les jeunes mères.
« It takes a village. »
Il est aussi important d’en parler à son entourage, de le sensibiliser et de lui expliquer à quel point on se sent faible et diminuée. Car c’est à ce moment-là, bien plus que pendant la grossesse, qu’on a besoin de soutien, de bienveillance et de compréhension. C’est un moment où plus que jamais, on a besoin d’être entourée. On dit qu’il faut un village entier pour élever un enfant. « It takes a village they say ». C’était vrai avant, quand toutes les générations vivaient sous le même toit et que l’enfant était élevé par toute la famille. C’est aussi vrai maintenant, alors qu’on attend d’une mère qu’elle élève seule son enfant, avec un père en coup de vent, et quatre jours de congé paternité (en Italie, même pas une semaine !!).
Vous l’avez compris j’ai été particulièrement marquée par cette période que je n’avais pas DU TOUT anticipée. Elle est pourtant déterminante dans l’évolution d’une jeune mère. Beaucoup de mes amies vont connaître la maternité cette année et je leur souhaite de prendre soin d’elle à ce moment-là. Comme j’aurais du le faire. Alors si vous connaissez une jeune mère en devenir, c’est le moment d’être là pour elle ! Dites-moi en commentaire si vous avez déjà vécu cette période et si vous connaissiez la matrescence !
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