
Ahhhh la célèbre mamma italienne. Ce cliché archaïque de la mère nourricière cantonnée à la cuisine et à l’éducation des enfants. Utilisé à outrance par les publicitaires et les politiques italiens Berlusconi en tête, est-ce vraiment une réalité sociale ? Cela faisait longtemps que j’avais envie d’aborder le sujet et voilà que l’occasion se présente. Pour le confinement, nous sommes venus nous installer dans ma belle-famille italienne en attendant de pouvoir rentrer chez nous à Milan. J’en ai profité pour passer du temps avec ma belle-maman italienne adorée (si vous me lisez 😘) et décortiquer de plus près ce phénomène. Voici tout de suite les cinq clichés sur la mamma italienne que j’ai pu validé !
1. Son fils restera toujours son bébé (et il y a même une expression pour ça)
Tout le monde connaît Tanguy, cet indécrottable célibataire qui, à plus de 30 ans vit encore chez ses parents. Et bien en Italie Tanguy n’est pas une exception, c’est un mode de vie. Il n’est pas rare que les jeunes hommes italiens (67% des 18-34 ans) vivent encore chez leur mamma et le revendiquent fièrement ! Logés, nourris, couvés, les mammoni (mammone : enfant ou adulte excessivement attaché à sa mère) s’y sentent tellement bien alors pourquoi partir ?
Résultat du phénomène : les mammoni ne sont pas des cadeaux domestiques pour leur future compagne. Ils comparent sa cuisine à celle de la mamma, ils découvrent que leur lit et le ménage ne se font pas tout seuls (tiens, tiens !) et apprennent à laver et repasser leur linge très tard. En 2014, la Cour de cassation italienne admet même qu’un mariage peut être annulé si le mari présente les caractéristiques du mammone, empêchant la bonne évolution du ménage. Pour ma part, j’ai heureusement hérité d’un fils à maman de bonne volonté qui a comblé rapidement ses lacunes domestiques ET qui s’est employé à reproduire et sublimer les recettes de sa mamma. Mais ce n’est pas le cas de toutes les belles-filles !
2. Le téléphone est une extension de son bras
Quelle ne fut pas ma surprise quand je me suis rendue compte que ma suocera, ma belle-mère italienne, appelait son fils adulte plusieurs fois par jour. Alors que dans ma famille on est plutôt « pas de nouvelles, bonne nouvelle », il est important pour la mamma d’être au courant de ce que mange son fils quotidiennement, de connaître les résultats de son dernier bilan sanguin ou les chiffres inscrits en bas de sa fiche de paye dans le détail. Mais le plus souvent j’ai l’impression qu’elle l’appelle juste pour entendre le son de sa voix #mammone.
Cette manie du téléphone s’étend à l’ensemble de sa famille, qu’elle garde en ligne du matin au soir. Cela permet un échange quasi instantané des informations. À croire que le téléphone arabe n’a pas été inventé en Arabie mais bien en Italie. Ce besoin de rester en contact sinon physique, au moins téléphonique, a ses avantages. Je peux appeler ma belle-mère à n’importe quelle heure, elle sera toujours disponible pour me parler et me conseiller. Elle m’a accueillie dans la famille comme si j’étais sa fille (et comme un moyen premium d’avoir des nouvelles de son fils 😏).
3. Son niveau sonore de discussion est bien plus élevé que la moyenne (française)
Mais ça, je pense que c’est applicable à tous les italiens en général. Parler une langue avec des accents aussi chantants doit donner envie de la chanter justement ou de la crier, au choix. La voix de la mamma résonne toujours plus fort que les autres, surtout quand elle s’assure pour le 4ème fois que je n’ai plus faim après avoir englouti l’aperitivo, les deux primi, le poisson et la viande 🤤 (cf mon article sur les habitudes alimentaires des italiens). Quand je ressors de ces repas de famille italiens, qui durent en moyenne quatre heures, j’ai les tympans aussi gonflés que le ventre.
En Italie, il n’y a qu’à aller au restaurant lors du coup de feu ou au bar du matin pour s’en apercevoir. Les italiens parlent fort, très fort. Bien plus fort que nous et c’est parfois à la limite du supportable pour mes petites oreilles fragiles. Parler plus fort pour s’imposer est naturel pour eux alors que j’ai horreur de ça. J’ai pourtant fini par m’y faire, ça fait partie des charmes du pays. Si je n’ai pas la force d’élever la voix, je les écoute parler et je souris d’observer leurs gestes, aussi parlants que leur bouche dans une discussion.
4. Dans sa cuisine, elle est reine en son royaume
La cuisine c’est LA pièce préférée de la mamma car c’est là que se déploie l’étendue de ses talents. La nourriture en Italie c’est sacré et celle qui la prodigue l’est encore plus ! Cette image de la cuisine de la mamma italienne a été utilisée à outrance en marketing. C’est pourtant un cliché qui se révèle véridique ! Rien ne fait plus plaisir à ma belle-mère italienne que de nourrir sa famille de bons petits plats typiques. Et gare à celui qui voudrait prendre sa place en cuisine ! Mais à l’occasion de cet article, nous avons cuisiné ensemble l’une de ses spécialités que je préfère : les aubergines farcies à la calabraise (sa région d’origine). La recette est à retrouver ici.
« Le meilleur restaurant, c’est à la maison. »
La Mamma
Quand mes beaux-parents viennent nous chercher à la gare, il n’est pas rare que ma belle-mère ait prévu un petit tupperware. Destiné à son fils chéri, afin qu’il ne meurt pas de faim le temps qu’on fasse le trajet de 15 minutes pour arriver à la maison. L’avantage c’est que quand on arrive chez la mamma le frigo et les placards sont remplis à ras bord de tous nos aliments préférés, prêts à être cuisinés à notre demande. L’une de ses phrases préférées est d’ailleurs « Le meilleur restaurant c’est à la maison » (comprendre : « chez la mamma« ). Elle nous fait aussi parvenir régulièrement des bidons d’huile d’olive « du paese » (de son village de Calabre) et de la sauce tomate faite maison, afin de s’assurer qu’on ait au moins les bases du garde-manger italien.
5. Une seule personne au monde peut la détrôner
Et cette personne, c’est bien entendu la nonna. Détentrice ultime des recettes de famille et ancêtre incontestée à qui l’on doit le respect. Tous les italiens évoquent leur nonna avec un air de nostalgie poignant et la larme à l’oeil #toujoursplus. Car en Italie et plus particulièrement dans le sud de la botte, « la famiglia è tutto », la famille c’est tout. La nonna et par extension la mamma sont les piliers de ce schéma déserté par les jeunes hommes qui repoussent l’engagement de fonder leur propre famille au plus tard (voir cliché n°1).

Ce phénomène de survalorisation de la mère en Italie est assez récent et peut s’expliquer par l’absence de figure masculine dans les familles depuis le début du XXème siècle. D’abord à cause des guerres mondiales, ensuite à cause de l’émigration des hommes fuyant la pauvreté. Plus récemment c’est l’allongement du temps d’études et l’augmentation du coût de la vie (et un certain confort aussi) qui sont responsables de cette attachement tant physique que moral à la mère. En l’absence de figure paternelle, les femmes ont du jouer tous les rôles pour leurs petits bambinis (enfants), même celui de caméra de surveillance ! Dans les villages italiens, une blague bien connue veut qu’il n’y ait pas besoin d’installer de CCTV, les nonne (les grand-mères) font tout le travail depuis leur balcon ou le pas de leur porte.
J’espère que vous avez aimé ce petit article humoristique sur la figure de la mamma en Italie. A ce sujet je vous conseille la vidéo de Alidifirenze sur les différences maman française / mamma italienne. Et vous, vous y croyez à ces clichés ?
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